Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/352

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déploie sa puissance et se révèle dans sa beauté.

Le tort de Molière, malgré sa finesse et son esprit, est d’avoir à peine soupçonné le pur et haut comique. On rit de ses héros les plus fameux ; mais eux-mêmes, ils ne rient pas. Le Tartuffe n’est nullement plaisant. C’est un scélérat, endurci dans son hypocrisie, et avec lequel on ne peut en finir que par un coup d’autorité ; Harpagon est un caractère admirablement soutenu, et Schlegel a eu le tort de le critiquer comme faux ; il lui manque seulement d’être comique au sens supérieur. Emprisonné dans sa passion bornée, ses anxiétés sont prosaïques comme sa personne. Le plaisir qu’éprouve le spectateur en le voyant confondu, n’est que le plaisir vulgaire d’une joie maligne, et le poëte, en se condamnant à peindre la sottise d’un être aussi borné, s’est privé de la récompense suprême de l’art : l’idéal n’apparaît pas dans son œuvre. Des caractères fortement dessinés et une intrigue admirablement développée, ne sont pas une compensation suffisante pour un si grand sacrifice.

Aristophane en usait bien autrement. Le rire qu’il excite au parterre n’est que l’écho sonore de celui qui retentit sur la scène. Voyez ces guêpes bourdonnantes, ces folles nuées, ces oiseaux tapageurs et moqueurs. Point de pédanterie dans la comédie d’Aristophane ; point d’Aristes ni de Cléantes. Tout ce monde de la sottise et de la vanité se détruit de