Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/355

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Quichotte est d’ailleurs un homme supérieur, un grand caractère. Les mésaventures qui lui arrivent ne le dégradent point à nos yeux, et cependant elles perdraient tout leur sel si elles arrivaient à quelque autre. Il n’y a pas de moulin à vent qui vaille cet imperturbable mélange de haute sagesse et de profonde folie.

Molière, on le voit, ne sort pas beaucoup moins maltraité des mains de Hegel que de celles de Schlegel. Hegel, sans doute, ne lui fait pas l’injure de le comparer à Legrand, et il respecte en lui un admirable connaisseur des hommes. Volontiers, il lui accorderait une place très élevée parmi les moralistes observateurs ; mais parmi les poëtes, il ne le met qu’au second rang.

Pour peu qu’on ait de pénétration, on devine, en lisant Schlegel, qu’il faut faire la part du parti-pris et de l’esprit-faux. Mais avec Hegel, c’est une autre affaire. Hegel est un homme juste et qui veut l’être. Si parfois il parle sévèrement de la poésie française, au moins ne le fait-il pas par système. De plus, c’est un esprit bien fait. On se le figure à distance comme un philosophe ténébreux ; il l’est en effet ; mais quand on l’approche, on est tout surpris de trouver, sous l’enveloppe métaphysique, un bon sens solide, un goût fin et très cultivé. Ce n’est pas bon signe d’avoir Hegel contre soi. Que va devenir Molière ? Hegel aura-t-il raison de toute la critique