Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/356

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française ? Peu s’en faut. Il est un âge où l’on se grise de Hegel, et où la critique des Boileau, des Laharpe, des Gustave Planche, même des Villemain et des Sainte-Beuve, fait auprès de la sienne l’effet du babil des hommes auprès de la pensée d’un dieu. Cependant on n’est convaincu qu’à moitié. Le souvenir de Molière tient bon. On relit une de ses comédies, Pourceaugnac ou le Misanthrope, peu importe. À chaque page on est confondu de la justesse des observations de Hegel, et cependant à chaque page on rit et on admire. Il ne se peut pas de meilleure disposition pour écouter le son d’une autre cloche.

Schlegel, dit Goethe, n’examine jamais les choses que par un côté. Il ne se préoccupe dans toutes les pièces de théâtre que du squelette et de l’arrangement de la fable, sans s’inquiéter le moins du monde de ce qu’un auteur peut nous offrir de grâce, de vie, de politesse et d’élévation dans les sentiments. Dans la manière dont Schlegel traite le théâtre français, je trouve la recette pour former un critique pitoyable, dénué de toute faculté pour apprécier ce qui est excellent.

Molière, dit-il encore, est tellement grand qu’on est toujours frappé d’étonnement lorsqu’on le relit. C’est un homme complet. Ses pièces touchent au tragique… Sincérité est bien le terme dont il faut se servir en parlant de lui. Rien en lui n’est hors de place ou contre le naturel. J’apprécie et j’aime Molière dès ma jeunesse, et durant tout le cours de ma vie j’ai appris à son école. Je ne néglige jamais de lire tous les ans quelque pièce de lui, afin de m’entretenir sans cesse