Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/393

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public et formel ; mais celui à qui manque l’impression, manque tout simplement de ce qui fait le sens littéraire, et celui qui l’éprouve a beau la renfermer en soi, elle n’en subsiste pas moins, elle n’en est pas moins jugement.

Aussi ne croyez pas que nos critiques modernes mettent en pratique le calme qui règne dans leurs programmes. Leur critique est tout simplement la plus passionnée qui fût jamais. Qui a mieux connu que M. Sainte-Beuve les impatiences du goût ? Qui a porté plus loin que M. Renan l’art du dédain ? Qui a des engouements plus vifs que M. Taine ? Qui a des jugements plus inexorables que M. Schérer ? Ce sont des sensitives, ces prétendus sceptiques, qui parlent de calme observation. Bien loin d’émousser la pointe vive de leurs impressions, leurs études variées n’ont fait que l’acérer plus encore, et ce n’est pas d’eux qu’il faut attendre cette mollesse de goût, qui se prêtant indifféremment à tout, serait seule capable d’enfanter une critique dépouillée de jugements, et mériterait seule la condamnation qui, de tout temps, a frappé avec justice la stérile inconsistance d’un scepticisme systématique.

On peut donc n’attacher qu’une médiocre importance à la prétention qu’affichent parfois les maîtres actuels de la critique historique, de ne représenter que la pure intelligence dégagée de toute émotion. C’est un rôle qu’ils sont incapables de soutenir, et