Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/394

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auquel ils n’auraient jamais songé s’ils n’y avaient pas été poussés par l’effort de leur réaction contre l’étroitesse d’une critique, qui ne savait goûter qu’une certaine forme et un certain ordre de beautés. Il ne leur reste, pour avoir complètement raison de l’ennemi qu’ils combattent, qu’à se dégager de ce rôle factice, et à laisser voir leur supériorité réelle, qui n’est pas de prendre aux choses humaines une part moins vive, mais au contraire d’y prendre une part plus grande et de porter sur des objets plus nombreux le regard toujours fécond d’une intelligence sympathique. L’esprit n’est pas une simple machine à mesurer, il est action, il est vie, et il produit encore quand il semble ne faire autre chose que regarder ; même en critique, il est créateur. Au moment où il juge, il enfante un idéal, et c’est là précisément ce qui fait qu’il juge. Or, qui dit création, dit amour. La grande critique ne consiste pas à moins aimer.

Aussi peut-on saluer avec joie les précurseurs d’une génération nouvelle, qui, fidèle à des traditions de largeur désormais acquises et les élargissant encore, se dégagera de toute vaine affectation, et n’aura point de honte de se laisser aller franchement aux choses qui nous prennent par les entrailles. C’est par là surtout que le livre de M. Stapfer m’intéresse et me captive. Esprit jeune et bien ouvert, il est entré franchement dans le courant moderne,