Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/44

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trine. Aussi, tant qu’il vécut, jamais loup déguisé n’enti’a dans la bergerie sans être promptement découvert et dénoncé.

Nous ne saurions entrer dans les détails de cette guerre longue et variée. Nous n’en raconterons qu’un épisode, mais le plus marquant de tous, celui qui révèle le mieux le caractère de Calvin.

Vers la fin de juillet 1553, Michel Servet entrait furtivement à Genève et descendait à l’hôtellerie de la Rose. C’était un homme d’esprit, savant, et dont le génie indépendant n’était pas fait pour un siècle d’intolérance. C’était un de ces fous dont parle le chansonnier, que la société repousse parce qu’ils ne savent pas s’aligner au cordeau, mais qui n’en découvrent pas moins tantôt un nouveau monde comme Colomb, tantôt la forme de notre globe comme Galilée, tantôt la circulation du sang comme Servet. Si on ne le connaît que par la réputation que lui a faite Calvin, on ne le connaît pas du tout. Ses idées ne sont ni d’un ignorant, ni d’un fanatique. Elles témoignent d’un esprit supérieur, qu’égare parfois une imagination inquiète et ardente, mais dont les libres aspirations dépassent le cercle étroit de Genève et de Rome. Servet était depuis longtemps connu de Calvin. Ils s’étaient déjà rencontrés à Paris ; plus tard une correspondance s’était établie entre eux. En 1546, Servet avait envoyé à Calvin un volume de ses Rêveries, comme les appelle le réfor-