Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/45

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mateur, et lui avait en même temps demandé la permission de s’établir à Genève. Calvin s’y montra peu disposé : « Je ne veux pas y engager ma parole, écrivait-il à Viret, car s’il venait, je ne souffrirais pas, pour peu que mon autorité eût d’influencé, qu’il s’en allât vivant. » Vœu qu’il accomplit huit ans plus tard.

Genève était donc pour Servet une ville ennemie. Que venait-il y faire ? S’il faut l’en croire, il y passait par hasard et en grand secret, fuyant la condamnation qui le frappait en France ; mais peut-être y étaitil attiré par l’espoir de combattre avec succès son adversaire dans la ville même où celui-ci régnait.[1]

Genève, en effet, supportait impatiemment la tyrannie religieuse de ses pasteurs. Le parti des libertins ou des méchants, selon Th. de Bèze, recruté de tous les amis de la liberté et de tous les amis de la

  1. Cette opinion a été soutenue avec beaucoup d’habileté par M. Rilliet de Gandolle dans le savant mémoire qu’il a publié sur le procès de Servet. Elle a été attaquée dans la Revue des Deux-Mondes par M. Emile Saisset. (Voir les livraisons de février et de mars 1848.) — M Emile Saisset cherche en outre à établir que le procès intenté en France à Servet fut le résultat de démarches secrètes de Calvin, démarches qui auraient été conduites avec autant de perfidie que d’habileté. Aux allégations de M. Saisset, il est facile d’opposer le démenti formel de Calvin. Il faudrait, ce nous semble, des preuves directes et convaincantes pour l’emporter sur une déclaration aussi expresse ; il faudrait au moins qu’il n’y eût aucune autre manière possible d’expliquer les faits. Or ce n’est pas le cas : l’ingénieux échafaudage de M. Saisset