Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/67

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Celui qui soutenait de pareils travaux, dit M. Guizot, était un homme d’une taille médiocre, pâle, maigre. Dans ses regards, à la fois graves et passionnés, se révélaient cette conviction qui ne tient nul compte de la vie et cette ardeur qui la consume ; poursuivi par de fréquents accès de fièvre quarte, tourmenté de la migraine, de la goutte, de la pierre, de coliques violentes, sujet à des crachements de sang, d’un estomac si débile que les aliments les plus légers le fatiguaient, il marchait le corps un peu courbé, mais la tête haute, avec cette vivacité où la fatigue est empreinte en même temps que la force, et, à peine assis, il reposait habituellement sa tête sur sa main, comme s’il eût eu besoin de la soutenir, mais sans que rien, dans sa physionomie, annonçât quelque lassitude de la pensée.

Calvin travailla ainsi jusqu’au bout. Accablé de toutes les maladies à la fois, il ranimait son corps débile par la seule puissance de son invincible volonté. Chaque jour gagné était un jour de plus consacré à l’œuvre de Dieu. En 1559, au plus fort d’une longue fièvre quarte, il commença et parachera sa dernière Institution chrétienne ; sur son lit de mort, il revit la traduction de la Genèse, et composa le commentaire sur Josué. En vain ses amis le suppliaient de prendre quelque repos ; il les suppliait à son tour, de permettre que Dieu le trouvât veillant et travaillant, comme il pourrait, jusqu’au dernier soupir. Il ne cessa de prêcher que lorsqu’il eut été vaincu par la fatigue dans la chaire même ; il ne cessa de dicter que huit jours avant sa fin, lorsque la voix lui manqua. Ainsi succomba ce grand homme,