Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/68

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après avoir disputé le terrain pas à pas, dans la lutte toujours inégale de la volonté contre la nature.

Si l’on pouvait séparer les hommes de génie en deux camps, mettre d’un côté ceux qui doivent tout à ces dons merveilleux que le travail ne procure pas, et de l’autre, ceux qui doublent leur puissance par une opiniâtre activité, Calvin prendrait place en tête de ceux-ci. A cet égard, il se distingue de Luther qui régna par l’entraînement de l’éloquence, par la fougue de la passion et par l’héroïsme de la foi. Bossuet en a déjà fait la remarque :

Encore que Luther, dit-il, eût quelque chose de plus original et de plus vif, Calvin inférieur par le génie, semble l’avoir emporté par l’étude.

Mais la volonté ne peut pas tout : il est des terres ingrates sur lesquelles la charrue passe, en vain, et qu’on arrose sans succès. Or, j’ai hâte de le dire, le réformateur de Genève avait plus qu’un autre tout ce qui peut faire fructifier le travail. Il ne faut pas comparer son génie à ces riches terrains qui se revêtent sans culture d’abondantes moissons, mais à ces terrains, meilleurs peut-être, qui répondent aux efforts du cultivateur, et tiennent en automne au-delà des promesses du printemps ; intelligence sûre et vive, esprit clair et méthodique, mémoire imperturbable, il avait tout ce qui peut assurer le succès d’un labeur soutenu.

On parle parfois de la mémoire avec une espèce