de dédain, comme d’une faculté vulgaire qui ne sied qu’aux esprits faibles. A elle seule, sans doute, elle n’est pas d’un grand prix. Si l’on n’a guère que de la mémoire, on peut être un bon écolier, jamais un homme supérieur. Mais, en revanche, elle rend d’incalculables services aux talents vigoureux. C’est la meilleure servante du génie.
Il faut, a dit an philosophe d’un sens exquis, il faut avoir de la mémoire dans la proportion de son esprit.
C’est peut-être en lisant Bossuet que Vauvenargués eut cette pensée ; mais elle aurait pu, tout aussi bien, lui être inspirée par l’étude de Calvin. Le réformateur de Genève et le père de l’église gallicane avaient, en effet, l’un et l’autre une mémoire vaste et sûre. S’ils descendirent toujours dans l’arène armés de toutes pièces, s’ils se trouvèrent toujours prêts, alors même qu’ils étaient surpris à l’improviste, ils le durent en partie à cette arme précieuse.
Calvin eut donc de la mémoire dans la proportion de son esprit. C’est dire beaucoup, car personne, au XVIe siècle, n’eut un esprit plus solide, ni plus prompt. A peine eut-il abandonné le catholicisme qu’il entrevit le point faible de la révolution religieuse qui venait de triompher en Allemagne, et qui menaçait de triompher en France. Un édifice ne tombe que du côté où il penche. Calvin sut reconnaître de bonne heure de quel côté penchait la réforme. En voyant toutes les opinions ébranlées, toutes les rè-