Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/71

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crête vocation, sans protecteur, sans guide, il ose parler à l’Europe au nom de tous ses frères, et, dans un ouvrage immortel, il explique, il entoure de preuves sans nombre, il arrête d’une main sûre leurs croyances encore chancelantes.

Presque tous les historiens répètent que Calvin, en écrivant son Institution, ne songea qu’à protester contre les calomnies du roi de France. Pour être libre de frapper à son aise les réformés de son royaume sans perdre l’alliance des réformés d’Allemagne, François Ier les accusait d’être d’incorrigibles anabaptistes, ennemis de tout pouvoir social, sectaires turbulents, rebelles fanatiques, menant une conduite honteuse et digne de tous les supplices. Ainsi l’ouvrage qui devint la Summa theologiæ du protestantisme, n’aurait été d’abord que le cri d’une conscience outragée. C’est une erreur. Il est vrai qu’à l’ouïe des accusations mensongères dont un roi chargeait la partie la plus éclairée de son peuple, Calvin, qui les sentait retomber sur lui-même, crut que de sa part le silence serait une lâcheté ; il fut révolté de ce scandale public, et voulut à la fois justifier ses frères et convaincre François Ier, qu’on pouvait, à la rigueur, supposer sincère. Mais il n’en est pas moins vrai que l’idée de faille une apologie ne vint au jeune réformateur qu’assez tard, l’ouvrage étant déjà commencé, et que son premier but, Calvin l’affirme, fut d’amener à la droite connaissance de