Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/92

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monde pour manifester sa gloire. Ainsi, à la base de la dogmatique calviniste, se cache une contradiction, et l’on peut réfuter Calvin par Calvin lui-même.

Calvin n’a point évité d’ailleurs le sort commun de ceux qui ont essayé de remonter jusque-là : il fait naufrage en voulant attacher son ancre à cette rive inaccessible. J’en demande pardon aux disciples de Calvin, s’il en est encore ; mais je suis contraint d’avouer que ces mots : Dieu a créé le monde pour manifester sa gloire, n’ont jamais présenté à mon esprit qu’une idée confuse, et parfaitement impossible à saisir. Or, je suis de l’avis de Descartes : je n’accepte comme vraies que les idées claires ; d’où il résulte que je repousse sans réserve le principe dominant de la théologie calviniste. Les livres sacrés parlent souvent de la gloire de Dieu. C’est une image qui ne manque pas de grandeur, quoiqu’elle renferme, comme tant d’autres, ce que les savants appellent un anthropomorphisme, c’est-à-dire qu’elle applique à Dieu ce qui, à proprement parler, ne peut s’appliquer qu’à l’homme. Je conçois, par exemple, comment on peut dire que les cieux racontent la gloire de Dieu. Cela signifie simplement que les cieux témoignent de la puissance de celui qui les a créés et peuplés d’étoiles sans nombre. Mais dire que Dieu a créé le monde pour manifester sa gloire, donner à ces mots une valeur philosophique, en faire une des propositions fondamentales d’un vaste