Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/100

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réveillée. » Il aurait voulu les faire taire. Et Rouge était frappé par le bruit en même temps que par la lumière et du même côté que par la lumière, pendant qu’il semble qu’on sente l’air trembler à petits coups sous le choc autour de notre tête comme quand une chaudière siffle, comme quand on secoue une pile d’assiettes : — puis tout à coup le merle avait été seul à chanter.

Et c’est pendant que le merle chantait. Il se retourne :

— Comment ?… c’est vous, Mademoiselle…

Il s’arrête. Elle rit plus fort. Et de qui est-ce qu’elle riait ainsi ou de quoi ? tandis qu’il était resté à demi tourné vers elle, il n’avait tourné vers elle que la tête avec le haut de son gros corps, aux bras trop courts qui pendaient.

Et alors il avait voulu parler, mais il ne pouvait plus parler. Il la regarde, c’est tout ce qu’on peut faire. Il regardait ses cheveux ; elle avait comme des lames de poignard dans les cheveux, tellement ils étaient brillants. On ne pouvait voir qu’une partie d’elle à la fois, tellement chacune brillait et elles venaient l’une après l’autre : c’étaient son cou, ses yeux, ses joues ; ça n’en finissait pas, parce qu’il y avait encore la bouche, le front… Il faut qu’il fasse un grand effort, et il s’arrache ses paroles à lui-même :

— Vous avez… vous avez bien dormi ?…

Mais il a vu qu’elle ne l’écoutait plus. Il a fait deux ou trois pas dans sa direction : elle ne semblait même pas voir qu’il était là. Elle se tenait tournée vers le levant, là où sont