Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle ne semblait pas en effet avoir beaucoup plus de quinze ou seize ans. Elle se prenait les pieds dans son tablier trop long.

— Qu’est-ce que tu fais par ici, toi ? Tu n’as pas été à l’école aujourd’hui ?… Écoute, lui disait l’homme, si tu nous amènes le patron, tu auras cinquante centimes…

Milliquet était dans la cuisine ; il était justement en train de dire à Juliette : « Il ne te faut pourtant pas décourager la clientèle… Tu sais bien que je ne fais pas ce que je veux ici… » quand la petite servante est reparue :

— Monsieur, on vous demande.

Milliquet va sur la terrasse.

— Mes félicitations, disait le grand à la moustache noire, mes félicitations, Milliquet. C’est ce que j’appelle un service soigné.

Il y avait devant lui la bouteille, qui était une bordelaise avec une capsule et une belle étiquette en couleurs représentant un château à tours rondes, avec l’écusson vert et blanc, le nom du vin, la date de l’année.

— Oh ! oui, a dit Milliquet, il a particulièrement convenu à la bouteille, ce vin-là…

Il se tenait debout dans le haut de la table, les bras pendants, la tête de travers, mais on pouvait voir qu’il était flatté :

— Le malheur seulement est qu’il ne m’en reste plus beaucoup.

— Tu en auras bien encore une.