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VII


— Une île ! s’écriait Isabelle en secouant son chignon. Comment peut-on vivre dans une île ? Un nid de crabes dans un bain de saumure, et quand vous y êtes, plus rien à faire qu’à tourner en rond, comme une bête en cage. J’aime mieux n’y pas penser. Quand je me dis que la mer me tient de tous les côtés, je me sens devenir enragée.

« Cette chaleur ! reprit-elle en s’éventant avec son mouchoir. Sentez-vous cette chaleur qui monte du sol ? On dirait qu’on est logé sur un gaufrier, avec un lit de braises par-dessous. On s’en aperçoit, que le Gulf Stream réchauffe la côte ! C’est vraiment bien d’Amédée, de nous fourrer dans le Gulf Stream par l’été le plus chaud qu’on ait vu en France depuis quarante ans. Rentrons, mes enfants, rentrons, c’est à tomber. »

Laurent et Lise rentrèrent avec elle dans la maison basse, un rez-de-chaussée d’un seul tenant, dont les fenêtres encadrées de granit gris émergeaient d’une plate-bande de sauges écarlates et d’hortensias bleus.

À l’intérieur, Marie s’affairait autour des lits d’acajou, remuant les matelas bourrés de varech bruissant. La pénombre fraîche avait l’odeur des salons de campagne, un mélange de renfermé, de colle forte et de peluche.

Mme Durras repoussa les volets de bois contre le feuillage rêche du figuier dont les branches frôlaient le mur, environnées d’un bourdonnement de guêpes,