En dévalant à travers l’herbe pleine de rosée. Suzon entendait le halètement sourd du moteur, On aurait cru un cheval impatient de bondir qui s’ébrouait à intervalles réguliers. Bertrand ne se doutait pas du prestige qu’il devait à sa voiture.
À l’impétuosité avec laquelle il l’enveloppa de ses bras, Suzon comprit qu’il pensait depuis longtemps à ce baiser d’arrivée. Pourtant, elle n’était pas en retard. Siki lui faisait fête discrètement ; on l’avait dressé à ne pas aboyer.
— Il est comme le chien de la dame de Vergy, remarqua Suzon, qui aimait chauffer son romanesque aux histoires d’autrefois.
— Quelle dame ?
Pour Bertrand, le passé commençait à Panhard et à Blériot. Quand Suzon le surprenait en flagrant délit d’ignorance littéraire, il donnait simplement cette explication :
— J’ai fait sciences-langues.
Contente de sa supériorité, elle lui raconta le fabliau de la dame qui avait dressé son petit chien à servir de courrier entre elle et son amant et qui fut trahie par la duchesse de Bourgogne.
— Quelle vache ! s’écria Bertrand avec conviction. Il parlait de la duchesse.
Quant à la dame, il était peiné qu’elle fût morte. Pour se consoler, il remarqua tout haut :
— C’est de la poésie. On ne meurt pas d’amour.
— Croyez-vous ? demanda Suzon d’un air grave.
Il la regarda, frappé, inquiet, flatté.
— Croyez-vous qu’on ne meurt pas d’amour ? Les hommes, non, bien sûr. Mais les femmes… Les hommes aussi, après tout, se hâta de