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VII

Les journées s’envolaient comme des abeilles ivres. Chaque matin rapportait cette atmosphère légère, joyeuse, à la fois impatiente et comblée qui rend si belles les veilles de fêtes. D’un commun accord, on avait masqué les horloges pour oublier le temps. Cependant, la vie des trois jeunes filles, dans la maison sans heure, eût semblé monotone à quiconque. Elles ne sortaient que pour aller chercher leur lait à la ferme ou rendre visite au curé qui les accueillait par ces mots, toujours les mêmes, source de gaieté inépuisable :

— Voilà les Trrois Grrââces. En avant la musique !

Une des jeunes filles se mettait au piano et l’abbé Graslin pendant une heure, deux heures, davantage si l’on voulait, chantait à perdre haleine, d’une voix inculte mais juste et bien timbrée. Il chantait l’Ave Maria de Gounod, les Trois Grenadiers, l’Anneau d’argent, l’air de Méphisto dans Faust :

Ha ! ha ! ha ! ha !
Ha ! ha ! ha ! ha !

Il chantait aussi d’un accent léger et tendre :

Paresseuses filles, qui dor-or-mez encore…