Page:Rattazzi - Le piège aux maris, 1865.djvu/15

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pitié ; il y avait une désolation profonde, une de ces douleurs réfléchies sur lesquelles le temps semble devoir être sans pouvoir. À défaut des lèvres fermées, ce regard disait la pensée du vieillard et cette pensée devait être celle-ci : – En la perdant, je perds tout !

Était-ce donc qu’il n’eût ni épouse, ni enfant, ni parent, ni ami ? Qu’il se trouvât isolé sur la terre et que, obéissant malgré lui à la loi humaine qui fait qu’on ne peut vivre seul, il tint beaucoup à ce compagnon, l’unique et le dernier, – à cette servante qui ne l’avait pas abandonné, comme les autres, et qui seule était restée dans cette maison d’où chacun s’écartait ?

Était-ce encore qu’il eût aimé cette femme autrefois, et qu’au moment de se séparer d’elle à jamais, le souvenir du temps où il l’avait aimée lui revînt à l’esprit ?

Était-ce enfin une complicité qui les liait tous deux ? Quelque secret partagé ? quelque crime commis en commun ? un remords pareil ?

Nul n’eût pu le dire, si ce n’est ces deux êtres, à l’un desquels la mort ravissait la parole que la douleur clouait dans le gosier de