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Page:Rattazzi - Le piège aux maris, 1865.djvu/42

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femme. Lui se prit à rire, en se tenant les côtes : la forge valait vingt-cinq mille francs et il n’en avait que trois mille. Jamais le pauvre homme, se dit Rosalie, ne gagnera ces vingt-deux mille francs tout seul. – As tu des parents qui puissent t’aider ? demanda-t-elle. – J’ai un frère. – Il faut lui écrire ! – Je veux bien, moi ! Une première, puis une seconde lettre demeurèrent sans réponse. – Ah ! c’est comme cela, tant mieux ! s’écria cette femme de seize ans et demi ; nous ne devrons rien qu’à nous-mêmes. Malade, enceinte, elle apprit l’état de couturière en six mois. Ses premières pratiques la trouvèrent allaitant son enfant. Michel travaillant comme le dernier des misérables, faisait des journées de douze heures.

Cela dura dix ans. Dix ans, pendant lesquels le travail et toutes les vertus qu’il entraîne à sa suite régnèrent dans l’étroit logis. Les repas étaient maigres ; les heures de sommeil comptées : il n’y eut abondance que de privations. Le soleil et le dimanche avaient beau les inviter, jamais les jeunes gens ne dépassaient les barrières ; jamais ils n’allaient au spectacle. Michel supportait tout parce qu’il