Page:Rattazzi - Le piège aux maris, 1865.djvu/44

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l’appartement mesquin, éprouvait-elle le désir de contempler les merveilles du saint lieu ? Les églises sont les palais des pauvres. – Non, ce n’était pas cela. – Car elle se tenait, dans l’église, les yeux baissés, sans rien voir, et jamais les syllabes de la prière ne tombèrent de ses lèvres serrées : elle pensait ! – Une nouvelle ambition ! – Tout lui avait réussi jusque-là : elle se fondait sur le passé, pour regarder en face l’avenir, en se disant qu’elle le ferait à sa fantaisie.

Fille d’une lorette de barrière et d’un ivrogne, elle était devenue la femme d’un maître de forges qui gagnait, bon an, mal an, huit mille francs. À qui devait-elle cette fortune ? à elle-même, à elle seule. Que ne pourrait-elle pas encore ayant déjà pu cela ? Elle se connaissait, et se rendait justice : elle n’avait jamais été belle et ses longs travaux l’avaient de bonne heure vieillie et enlaidie. Elle n’avait pas d’instruction et devait, par conséquent, vivre à sa place dans une sphère obscure. En admettant qu’elle eût le courage et le temps de refaire son éducation, son mari, ce paysan, cet ouvrier, pourrait-il la suivre dans son ascension mondaine ? – Non ! Il n’y fallait pas