Page:Rattazzi - Le piège aux maris, 1865.djvu/62

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fond le nom d’une danseuse et le nom d’un port de mer (madame Sainte-Hélène avait pris un jour Carlotta-Grisi pour une ville Hanséatique !) quand on n’a rien lu, rien retenu, et qu’on est dépourvue d’invention, il faut bien parler de ses voisins, sous peine de sentir sa langue se geler. C’était là le cas de la bonne femme. Son mari était aussi ignorant qu’elle ; mais il était homme et par conséquent moins possédé du besoin de s’entendre parler ; de plus, il avait une petite collection de souvenirs militaires suffisante à remplir ses heures d’épanchement. Au demeurant, c’étaient de braves gens, fort respectés, comme les concierges doivent l’être dans un grand état, mais n’abusant pas de leur pouvoir absolu, et ne sacrifiant pas trop l’intérêt commun à l’intérêt de leur dynastie. Les ouvriers de la forge aimaient beaucoup M. Sainte-Hélène qui leur racontait de temps à autre sa campagne.

Quoniam était l’enfant gâté de madame Sainte-Hélène : elle ne le voyait jamais passer sans l’appeler vaurien et lui prédire qu’il finirait sur l’échafaud, perspective enchanteresse qui faisait rire aux éclats l’apprenti.

— Eh ! Sainte-Hélène ! cria-t-elle tout à coup !