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Page:Raymond Clauzel L'Ile des femmes 1922.djvu/20

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l’île des femmes

un jeune homme vigoureux, dru et quelque peu glorieux dans sa vêture à la Jean-Bart, agitait un mouchoir.

On murmurait son nom parmi le peuple : le chevalier Dyonis de Saint-Clinal.

À la droite du jeune navigateur, le large chapeau, la barbe annelée et la soutane proéminente du père Loumaigne ; à senestre, l’habit gris souris et le visage ascétique, rasé au bleu, du maître es-sciences profanes Onésime Pintarède.

Le long et maigre pédagogue manœuvrait la coulisse d’une lunette marine, tel un apothicaire sa seringue. Les pouces dans sa ceinture et la paume des mains à plat sur sa « bonne santé », ce qui désignait une légère et convenable obésité, bien prise entre de larges flancs, le révérend père Loumaigne, profès de l’ordre des Jésuites, méditait à vide, dans le saisissement du prodigieux voyage qui allait commencer. Ah ! lever l’ancre enfin pour une grande aventure autour du globe, au lieu d’en lire la relation au coin du feu, quelle faveur de la Providence !…

Un peu pâle, et gêné par l’émotion qui contrariait malicieusement son attitude extérieure, qu’il eût voulue dégagée, Dyonis de Saint-Clinal montrait ses beaux yeux bruns voilés comme par des larmes retenues.

Le cabestan qui remontait l’ancre geignait. Des matelots, pieds et torses nus, tiraient les amarres.