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Page:Raymond Clauzel L'Ile des femmes 1922.djvu/26

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l’île des femmes

pensée sans se montrer entièrement jamais. Dyonis, qui était jeune et enthousiaste, secoua la tête, et, d’un seul élan, sortit du cercle anxieux :

— Enfin ! nous voilà partis ! s’écria-t-il, ses regards de visionnaire prolongés dans l’espace.

Maître Pintarède et le père Loumaigne, dont le moindre souffle noir eût pu éteindre la flamme, se sentirent rallumés par la rayonnante allégresse de leur élève. L’étreinte craintive finissait.

À partir de ce moment, maître Pintarède, qui avait préparé le voyage pour sa partie scientifique, devint minutieux, attentif, tout hérissé de remarques, de notes, de notules, d’échantillons. Armé d’un télescope la nuit, d’une longue-vue le jour, il ne cessait de découvrir et le ciel, et la terre, et les eaux. On eût dit qu’il venait de tomber de la lune sur cette vieille planète qu’il hantait depuis plus de cinquante ans. Quant au P. Loumaigne, historiographe de l’expédition, jour par jour, et sommant pour ainsi dire chaque heure de lui fournir un incident, il minutait la relation du voyage sur un gros registre in-folio, soigneusement coté et parafé, afin de prévenir toute falsification ultérieure.

Dyonis participait davantage à la vie du bord. Aux côtés du capitaine Le Buric, vieux loup de mer rempli d’expérience et d’un sardonique mépris à l’égard des occupatons du révérend père et de maître Pintarède, le jeune savant apprenait son métier de marin. Cela ne l’empêchait d’ailleurs point d’écrire ses impressions ou plutôt de décrire