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Page:Raymond Clauzel L'Ile des femmes 1922.djvu/27

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l’île des femmes

les images que les choses successives projetaient en son âme. C’est ainsi que Dyonis s’annexait cet univers dont Onésime Pintarède, tout en se pourléchant les lèvres, ce qui était son tic, cataloguait les infiniments petits.

La Centauresse naviguait ainsi depuis plusieurs semaines, musant d’un flot à l’autre et ne s’arrêtant aux escales que pour s’approvisionner. Le cap était toujours mis de préférence sur les parages infréquentés des navires, ce qui faisait sacrer intérieurement le capitaine Le Buric. Le brave homme trouvait parfaitement insensé de s’écarter, sans rime ni raison, des routes connues.

Les Marseillais étaient ainsi perdus dans l’immensité marine, la ligne étant dépassée depuis une dizaine de jours, lorsque l’événement capital de la grande aventure vint à se produire.

C’était par une après-midi brasillante. Sous le flamboiement du soleil, l’océan s’enflait langoureusement, soulevant de lourdes vagues dorées. Dyonis fumait la pipe sous l’auvent de la dunette. Près de lui, maître Pintarède scrutait à la loupe une sorte de pelote animale qu’il venait de nommer Parocidaris pour la troisième fois. Des matelots, demi-nus, sommeillaient dans des coins d’ombre ventilés. La paix accablée des jours torrides assoupissait les bruits et endormait les mouvements.

Le silence universel où s’agitait seulement, comme dans une urne vide, le bruit déferlant des