Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v1.djvu/36

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queurs plus féroces qui les ſuivoient. C’étoient des flots qui le preſſoient, qui ſe chaſſaient les uns les autres. En ſe fixant dans les pays qu’ils venoient de dévaſter, ces barbares diviſèrent des contrées que Rome avoit autrefois unies. Dès-lors il n’y eut plus de communication entre des états formés par le haſard, le beſoin, ou le caprice. Les pirates, qui couvroient les mers, les mœurs atroces qui régnoient ſur les frontières, repouſſaient toutes les liaiſons qu’une utilité réciproque auroit exigées. Pour peu même qu’un royaume fût étendu, ſes ſujets étoient ſéparés par des barrières inſurmontables ; parce que les brigands qui infeſtoient les chemins, changoient un voyage un peu long en une expédition toujours périlleuſe. Les peuples de l’Europe rejettés, par l’eſclavage & la consternation, dans cet état de ſtupidité & d’inertie, qui a du long-tems être le premier état de l’homme, profitaient peu de la fertilité de leur ſol, & n’avoient qu’une induſtrie tout-à-fait ſauvage. Les pays un peu éloignés, n’exiſtoient point pour eux ; & ils ne connoiſſoient leurs voiſins que pour les craindre ou pour les combattre.