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des deux Indes.
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devenue générale. Il n’y a plus de patrie, dans le pays de l’univers, qui devroit inſpirer le plus d’attachement à ſes habitans.

Quels ſentimens de patriotiſme ne devroit-on pas en effet attendre d’un peuple qui peut ſe dire à lui-même. Cette terre que j’habite ; c’eſt moi qui l’ai rendue féconde ; c’eſt moi qui l’ai embellie ; c’eſt moi qui l’ai créée. Cette mer menaçante, qui couvroit nos campagnes, ſe briſe contre les digues puiſſantes que j’ai opposées à ſa fureur. J’ai purifié cet air, que des eaux croupiſſantes rempliſſoient de vapeurs mortelles. C’eſt par moi que des villes ſuperbes preſſent la vaſe & le limon où flottoit l’Océan. Les ports que j’ai conſtruits, les canaux que j’ai creusés, reçoivent toutes les productions de l’univers que je diſpenſe à mon gré. Les héritages des autres peuples, ne ſont que des poſſeſſions que l’homme diſpute à l’homme ; celui que je laiſſerai à mes enfans, je l’ai arraché aux élémens conjurés contre ma demeure ; & j’en fuis reſté le maître. C’eſt ici que j’ai établi un nouvel ordre phyſique, un nouvel ordre moral. J’ai tout fait où il n’y avoit rien. L’air, la terre, le gouver-