Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v1.djvu/54

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arts utiles. Il n’y avoit, ni dans les mœurs, ni dans le langage, cette ſorte de décence qui diſtingue les premières claſſes des citoyens, & qui apprend aux autres à les reſpecter. Malgré la courtoiſie preſcrite aux chevaliers, il régnoit, parmi les grands, de la groſſiéreté & de la rudeſſe. La nation avoit alors ce caractère d’inconſéquence, qu’elle a eu depuis, & qu’aura toujours un peuple dont les mœurs & les manières ne ſeront pas d’accord avec ſes loix. Les conſeils du prince y donnoient des édits ſans nombre, & ſouvent contradictoires ; mais le prince diſpenſoit aiſément d’obéir. Ce caractère de facilité dans les ſouverains, a été ſouvent le remède à la légèreté avec laquelle les miniſtres de France ont donné & multiplié les loix.

L’Angleterre, moins riche & moins induſtrieuſe que la France, avoit des barons inſolens, des évêques deſpotes, & un peuple qui ſe laſſoit de leur joug. La nation avoit déjà cet eſprit d’inquiétude, qui devoit, tôt ou tard, la conduire à la liberté. Elle devoit ce caractère à la tyrannie abſurde de Guillaume le conquérant, & au génie atroce de