Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/54

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que celui qui a duré trois règnes, pendant leſquels on a été bercé par les mains de la bonté ?

Peuples, ne permettez donc pas à vos prétendus maîtres de faire, même le bien, contre votre volonté générale. Songez que la condition de celui qui vous gouverne n’eſt pas autre que celle de ce cacique à qui l’on demandoit s’il avoit des eſclaves, & qui répondit : des eſclaves ! je n’en connois qu’un dans ma contrée, & cet eſclave-là, c’eſt moi.

Il eſt d’autant plus important de prévenir l’établiſſement du pouvoir arbitraire & les calamités qui en ſont la ſuite infaillible, que le remède à de ſi grands maux eſt impoſſible au deſpote lui-même. Occupât-il le trône un demi-ſiècle ? Son adminiſtration fût-elle tout-à-fait tranquille ; eût-il les lumières les plus étendues ; quand ſon zèle pour le bonheur des peuples ne ſe ralentiroit pas un ſeul inſtant, rien ne ſeroit encore fait. L’affranchiſſement, ou ce qui eſt le même ſous un autre nom, la civiliſation d’un empire eſt un ouvrage long & difficile. Avant qu’une nation ait été confirmée par l’habitude dans