Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un attachement durable pour ce nouvel ordre de choſes, un prince peut par ineptie, par indolence, par préjugé, par jalouſie, par prédilection pour les anciens uſages, par eſprit de tyrannie, anéantir ou laiſſer tomber tout le bien opéré pendant deux ou trois règnes. Auſſi tous les monumens atteſtent-ils que la civiliſation des états a plus été l’ouvrage des circonſtances que de la ſageſſe des ſouverains. Les nations ont toutes oſcillé de la barbarie à l’état policé, de l’état policé à la barbarie, juſqu’à ce que des cauſes imprévues les aient amené à un aplomb qu’elles ne gardent jamais parfaitement.

Ces cauſes concourent-elles avec les efforts qu’on fait aujourd’hui pour civiliſer la Ruſſie ? Qu’il nous ſoit permis d’en douter.

D’abord, le climat de cette région eſt-il bien favorable à la civiliſation & à la population, qui tantôt en eſt la cauſe & tantôt l’effet ? La rigueur du froid n’y exige-t-elle pas la conſervation des grandes forêts & par conséquent de grands eſpaces déſerts ? Une longueur exceſſive des hivers ſuſpendant les travaux ſept ou huit mois de l’année, la nation, durant ce tems d’engourdiſſement,