Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v5.djvu/274

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Les ſauvages, ſi ſobres dans la vie iſolée, s’enivroient aſſemblés ; l’ivreſſe échauffoit & ranimoit, entre les familles, des inimitiés aſſoupies ou mal éteintes. On finiſſoit par s’égorger. La haine & la vengeance, les ſeuls ſentimens profonds qui puſſent émouvoir ces âmes ſauvages, ſe perpétuoient ainſi par les plaiſirs mêmes. C’eſt dans la joie des feſtins que les parens, les amis s’embraſſoient, & juroient d’aller porter la guerre dans le continent, & quelquefois dans les grandes iſles.

Les Caraïbes s’embarquoient ſur des bateaux formés d’un ſeul arbre, qu’on avoit abattu en le brûlant par le pied. Des années entières avoient été employées à creuſer ces canots avec des haches de pierre & par le moyen du feu, qu’on dirigeoit adroitement dans le tronc de l’arbre, pour donner à la pirogue la forme qui lui convenoit. Arrivés aux côtes où tantôt un caprice aveugle & tantôt une haine violente les conduiſoient, ces guerriers libres & volontaires y cherchoient des nations à exterminer. Ils attaquoient avec une eſpèce de maſſue, moins longue que le bras, avec leurs flèches em-

poiſonnées