Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v6.djvu/217

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Quoi qu’il en ſoit, la révolution fut ſi entière, que la liberté devint plus générale, dans la plus grande partie de l’Europe, qu’elle ne l’avoit été ſous aucun climat ni dans aucun ſiècle. Dans tous les gouvernemens anciens, dans ceux même qu’on nous propoſe toujours pour modèles, la plupart des hommes furent condamnés à une ſervitude honteuſe & cruelle. Plus les ſociétés acquéroient de lumières, de richeſſes & de puiſſance, plus le nombre des eſclaves s’y multiploit, plus leur ſort étoit déplorable.

Athènes eut vingt ſerfs pour un citoyen. La diſproportion fut encore plus grande à Rome, devenue la maîtreſſe de l’univers. Dans les deux républiques, l’eſclavage fut porté aux derniers excès de la fatigue, de la misère & de l’opprobre. Depuis qu’il eſt aboli parmi nous, le peuple eſt cent fois plus heureux, même dans les empires les plus deſpotiques, qu’il ne le fut autrefois dans les démocraties les mieux ordonnées.

Mais à peine la liberté domeſtique venoit de renaître en Europe, qu’elle alla s’enſevelir en Amérique. L’Eſpagnol, que les vagues vomirent le premier ſur les rivages