Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/51

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le maintien des ſociétés, eſt, aux yeux d’un ſauvage, le comble de la démence. Ils ſont également ſcandalisés, que chez nous ; un homme ait lui ſeul plus de bien que pluſieurs autres ; & que cette première injuſtice en entraîne une ſeconde, qui eſt d’attacher plus de conſidération à plus de richeſſes. Mais ce qui leur ſemble une baſſeſſe, un aviliſſement au-deſſous de la ſtupidité des bêtes ; c’eſt que des hommes qui ſont égaux par la nature, ſe dégradent juſqu’à dépendre des volontés ou des caprices d’un ſeul homme. Le reſpect que nous avons pour les titres, les dignités, & ſurtout pour la nobleſſe héréditaire, ils l’appellent inſulte, outrage pour l’eſpèce humaine. Quand on ſait conduire un canot, battre l’ennemi, conſtruire une cabane, vivre de peu, faire cent lieues dans les forêts, ſans autre guide que le vent & le ſoleil, ſans autre proviſion qu’un arc & des flèches : c’eſt alors qu’on eſt un homme ; & que faut-il de plus ? Cette inquiétude qui nous fait paſſer tant de mers, pour chercher une fortune qui fuit devant nos pas, ils la croient plutôt l’effet de notre pauvreté que de notre