Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/77

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tience, quand, après de longues diètes, on l’expoſe à l’ardeur du ſoleil, aux rudes gelées de la nuit, aux piqûres ſanglantes des inſectes, on le déclareroit incapable, indigne de porter les armes. Eſt-ce ainſi que ſe forment les milices de nos armées ? Quelle cérémonie triſte ! Quel préſage funeſte ! Des hommes qui n’ont pu ſe dérober, par la fuite, à ces levées de troupes, ou s’y ſouſtraire par des privilèges & de l’argent, ſe traînent l’œil baiſſé, le viſage pâle & concerné, devant un délégué, dont les fonctions ſont odieuſes, & la probité ſuſpecte aux peuples. Des parens déſolés & tremblans ſemblent accompagner leurs fils à la mort. Un billet noir ſort d’une urne fatale, & déſigne les victimes que le prince dévoue à la guerre. Une mère dans le déſeſpoir, preſſe & retient vainement ſur ſon ſein le fils qu’on arrache de ſes bras. Maudiſſant le jour de ſon hymen, de ſon enfantement, elle dit à ce fils un éternel adieu. Non, ce n’eſt pas à ce prix qu’on fait de vrais ſoldats. Ce n’eſt pas dans cet appareil de deuil & de conſternation que les ſauvages ſe préſentent à la victoire : c’eſt du milieu des feſtins, des chants, des