Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/86

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moler ſes ennemis. Sa voix expirante ſe ranime pour exprimer l’eſpoir qu’il a d’être vengé, pour reprocher à ſes persécuteurs de ne ſavoir pas venger leurs pères qu’il a maſſacrés. Il choiſit pour braver les bourreaux le moment où leur rage eſt un peu ralentie ; il cherche à la rallumer pour que l’excès de ſes ſouffrances déploie l’excès de ſon courage. C’eſt un combat de la victime contre ſes bourreaux ; c’eſt un défi horrible entre la conſtance à ſouffrir & l’acharnement à torturer. Mais la gloire l’emporte. Soit que l’ivreſſe de l’enthouſiaſme ôte ou ſuſpende le ſentiment de la douleur ; ſoit que l’habitude & l’éducation opèrent ces prodiges d’héroïſme, le patient meurt, ſans que le feu ni le fer aient pu lui arracher une larme, un ſoupir. Fanatiques de toutes les religions vaines & fauſſes, vantez encore la conſtance de vos martyres ! Le ſauvage de la nature efface tous vos miracles.

Cette inſenſibilité vient-elle du climat, ou du genre de vie ? Un ſang plus froid, des humeurs plus épaiſſes, un tempérament que l’humidité de l’air & du ſol rend plus flegmatique, peuvent, ſans doute, émouſſer