Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/88

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les préſervent des offenſes. La vengeance n’eſt pas un ſentiment fort vif dans les guerres des grands peuples, parce qu’ils ont peu à craindre de leurs ennemis. Mais chez de petites nations, où chaque individu tient une grande portion de l’état dans ſes mains, où l’enlèvement d’un ſeul homme menace la ſociété de ſa ruine, les guerres ne peuvent être que la vengeance de tous contre tous. Chez des hommes indépendans, qui ont une eſtime d’eux-mêmes que des hommes aſſervis ne peuvent avoir ; chez des ſauvages, dont les affections ſont peu étendues & fort vives, on doit venger ſans meſure les outrages, parce qu’ils attaquent toujours la perſonne dans quelque endroit infiniment ſenſible ; on doit pourſuivre juſqu’à la dernière goutte de ſang, le meurtrier d’un ami, d’un fils, d’un frère, d’un concitoyen. Ces ombres toujours chéries, crient toujours vengeance du fond de leurs tombeaux. Elles errent dans les forêts, parmi les accens lugubres des oiſeaux de la nuit ; elles apparoiſſent dans les phoſphores & les éclairs ; & la ſuperſtition parle pour elles, dans les âmes affligées ou courroucées.