Page:Raynal - La Cigale et la Fourmi, 1853.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ZINGARINE, avec hésitation.

Et pourquoi, s’il vous plaît, le serait Zingarine ?

(Presque douloureusement :)

Savez-vous où le sort a placé mon berceau ?

Sous un palmier perdu qui vivait d’un ruisseau :

De mon destin futur mystérieux emblème.

Ne pouvant, comme moi, subsister par lui-même,

Nous sommes tous les deux destinés à périr

Le jour où l’eau du ciel pour nous doit se tarir !

De cinq frères à moi promenant la séquelle,

Ma mère et son époux, tout aussi pauvre qu’elle,

Des confins de l’Égypte au Caire étant venus,

Devaient chercher la vie à six enfants tout nus.

Les premiers souvenirs que je me remémore

Sont les joyeux refrains d’une ballade more

Que mes frères et moi débitions au hasard

À des Turcs accroupis sur le sol d’un bazar.

Ma grâce, m’a-t-on dit, ayant fait leur conquête,

La valeur d’un sequin fut le fruit de ma quête.

Hélas ! ce grand début par malheur me perdit ;

On voulut m’acheter… mon père me vendit.

Un voyageur chrétien, par charité peut-être,

Donna quelque peu d’or pour devenir mon maître ;

Il prit soin de mes jours, m’instruisit, m’éleva,

Puis revint en Europe…, et la mort m’en priva !

(Elle sanglote.)

FLAGEOLIN, hors de lui.

Voulez-vous tout mon pain ? Pauvre fille ! elle pleure !