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Page:Raynaud - Baudelaire et la Religion du dandysme, 1918.djvu/15

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ET LA RELIGION DU DANDYSME

le jeune homme ne pouvait s’adapter. Il semble que ce milieu gourmé l’ait exaspéré jusqu’au supplice :

Il est bon, écrit-il quelque part, que chacun de nous ait éprouvé, une fois dans sa vie, la pression d’une odieuse tyrannie. Combien de natures révoltées ont pris vie auprès d’un cruel et ponctuel militaire de l’empire ? La pauvre et généreuse nature, un beau matin, fait explosion ; le charme satanique est rompu, il n’en reste que ce qu’il faut : un souvenir de douleur, un levain pour la pâte.

La nature de Baudelaire explosa. Il était majeur, il se fit rendre des comptes de tutelle et, riche des 75, 000 francs qui lui revenaient, courut s’offrir à son Destin.

Plein des illusions de la jeunesse, affranchi désormais (il le croyait) des soucis matériels, il pensait pouvoir vivre en beauté et réaliser son rêve de Dandysme. Il s’installe provisoirement quai de Béthune, puis rue Vaneau où il ne fait qu’un tour, et vient habiter dans ce coin, paisible et frais, de l’île St-Louis, le célèbre hôtel Pimodan, séjour élu des princes de la bohème.

La bohème ne comprenait pas que des gens besogneux. Il y avait la bohème des fils de famille, la bohème dorée ; c’était celle de Gautier, Houssaye, Gérard de Nerval, Nestor Roqueplan, Our-