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CHARLES BAUDELAIRE

liac. C’est à celle-là qu’appartenait Baudelaire. L’autre, la vraie, était celle de Mürger, de Champfleury, de Barbara, de Nadar, mais les deux se mélangeaient et se visitaient réciproquement, courant de chez Paul Niquet au restaurant Philippe et du café Procope au Divan Le Peletier. Encore faut-il noter que si Baudelaire se laissait incorporer au clan de la Bohème, c’était uniquement par son goût de vie libre et indépendante, mais il détestait d’en avoir l’air. Il pensait, comme Barbey d’Aurevilly, que la Bohème est « une des plus grandes abjections d’une société sans feu ni lieu ».

À l’hôtel Pimodan, Baudelaire occupa, sous les combles, moyennant le prix annuel de 350 francs, un appartement un peu mansardé, composé d’une antichambre, d’une grande pièce et d’un cabinet, dit Asselineau, de plusieurs, dit Banville.

La grande pièce était tendue, y compris le plafond, d’un papier à rayures, alternées, rouges et noires. Une seule fenêtre l’éclairait, sur les quais. Au dire d’Asselineau, Baudelaire avait dépoli les carreaux du bas, pour ne laisser entrer de l’extérieur que le ciel ; mais la preuve qu’il savait regarder, c’est qu’il nous dit :

J’ai eu longtemps, devant ma fenêtre, un cabaret rouge et vert qui était, pour mes yeux, une douleur délicieuse.