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Page:Raynaud - Baudelaire et la Religion du dandysme, 1918.djvu/29

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ET LA RELIGION DU DANDYSME

cine, Hugo lui étaient indispensables. C’est d’eux qu’il a reçu l’instrument docile qu’il perfectionnera encore au point d’y fixer des états d’âme. Il suffit de lire Baudelaire pour éprouver que son vers tire ses ressources de la musique et qu’il contient, en virtualité, ce que Rimbaud et René Ghil et les symbolistes cherchaient après lui : la phrase musicale et colorée.

On lit d’ailleurs, dans ses notes :

Comment la poésie touche à la musique par une prosodie dont les racines plongent plus avant dans l’âme humaine que ne l’indique aucune théorie classique…

— Que la poésie française possède une prosodie mystérieuse et méconnue, comme les langues latine et anglaise…

— Que la poésie se rattache aux arts de la peinture, de la cuisine et du cosmétique par la possibilité d’exprimer toute sensation de suavité ou d’amertume, de béatitude ou d’horreur, par l’accouplement de tel substantif avec tel adjectif, analogue ou contraire…

Ces possibilités, personne ne les avait pressenties avec tant de clairvoyance. Pour la première fois, chez nous, le poète se double d’un esthète, heureuse conséquence du dandysme, lequel n’est réalisable, nous dit Baudelaire, qu’aux « époques transitoires, où la démocratie n’est pas encore toute puissante, où l’aristocratie n’est que partiellement chancelante et avilie  ». C’était, ici, le cas.