Mais si le Poète a profité de la maturité de l’heure, et de circonstances favorables, il est aussi redevable à son Temps de ses excès et de ses erreurs. Le devoir du critique est de les noter pour l’en décharger, dans une certaine mesure, aux regards de la Postérité.
Baudelaire est né sous le régime absolutiste, en pleine terreur blanche. La Restauration impressionna son enfance déjà encline à la mysticité[1] par un étalage de processions et de pompes liturgiques. Le clergé sentait le besoin de recréer une génération de croyants et multipliait les cérémonies du culte pour suppléer à la qualité de la Foi ébranlée. Il se fait militant (billet de confession — loi du sacrilège). On appelle les gendarmes au secours de la religion. On promène, dans les rues, le Saint-Sacrement hérissé de baïonnettes. Le porte-voix du parti, Joseph de Maistre, met Dieu sous la protection du bourreau. On aurait voulu reculer jusqu’au moyen âge, à son dieu d’airain. À défaut de l’esprit, on en rétablit le décor. Viollet-le-Duc paraît à l’horizon. Le goût gothique va bientôt régner jusque dans l’ameublement. Les monstres des gargouilles, les scènes de sabbat, les figures diaboliques, des-
- ↑ Étant enfant, je voulais être tantôt pape, mais pape militaire, tantôt comédien (Baudelaire).