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CHARLES BAUDELAIRE

Mais si le Poète a profité de la maturité de l’heure, et de circonstances favorables, il est aussi redevable à son Temps de ses excès et de ses erreurs. Le devoir du critique est de les noter pour l’en décharger, dans une certaine mesure, aux regards de la Postérité.

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Baudelaire est né sous le régime absolutiste, en pleine terreur blanche. La Restauration impressionna son enfance déjà encline à la mysticité[1] par un étalage de processions et de pompes liturgiques. Le clergé sentait le besoin de recréer une génération de croyants et multipliait les cérémonies du culte pour suppléer à la qualité de la Foi ébranlée. Il se fait militant (billet de confession — loi du sacrilège). On appelle les gendarmes au secours de la religion. On promène, dans les rues, le Saint-Sacrement hérissé de baïonnettes. Le porte-voix du parti, Joseph de Maistre, met Dieu sous la protection du bourreau. On aurait voulu reculer jusqu’au moyen âge, à son dieu d’airain. À défaut de l’esprit, on en rétablit le décor. Viollet-le-Duc paraît à l’horizon. Le goût gothique va bientôt régner jusque dans l’ameublement. Les monstres des gargouilles, les scènes de sabbat, les figures diaboliques, des-

  1. Étant enfant, je voulais être tantôt pape, mais pape militaire, tantôt comédien (Baudelaire).