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Page:Raynaud - Baudelaire et la Religion du dandysme, 1918.djvu/36

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CHARLES BAUDELAIRE

blement, on sait ce qu’il vaut. Le ventre envahit tout, même les pendules. Qui osera jamais mesurer l’abîme de mépris que sous-entend, dans la bouche d’un antiquaire ou d’un simple amateur de nos jours, cette expression, en apparence inoffensive, « c’est du Louis-Philippe » ? La littérature, comme la politique, à cette époque, vit sur une idée fausse. Elle pâtit de cette conviction que l’inspiration suffit à tout. Ce n’est pas l’essor, ce n’est pas l’enthousiasme qui manque, c’est le jugement, c’est la méthode. La matière est excellente, la main-d’œuvre est viciée. Il n’y a plus de limites. Tout est mêlé, brouillé, confondu : les systèmes, les classes, les genres. Le noble et le trivial, le comique et le tragique, le rire et les larmes se heurtent dans le mélodrame et le roman. Tout est renversé. La prose avec Chateaubriand est devenue lyrique. Le vers avec Sainte-Beuve aspire à se diluer dans la prose. Ce dernier y a perdu l’occasion d’être le grand poète que laissait prévoir la préface de Joseph Delorme. Son génie avorté n’a donné qu’un critique. Vigny, Lamartine, Hugo dépassent l’époque. Ils y sont comme dépaysés. À noter toutefois que le génie de Lamartine y trébuche avec la Chute d’un Ange et que celui de Hugo semble s’y fourvoyer sur les pas de Sainte-Beuve et subir un temps d’indécision, d’arrêt. Hugo n’arrivera à se