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Page:Raynaud - Baudelaire et la Religion du dandysme, 1918.djvu/48

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CHARLES BAUDELAIRE

voyant. Sous la forme des choses, il cherche leur signification et leur raison d’être. Il voit le lien qui relie l’éphémère à l’éternel. Il découvre entre les phénomènes et ceux d’au-delà de mystérieuses correspondances.

 La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe, à travers des forêts de symboles,
Qui l’observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté.
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Son domaine s’étendant jusqu’au monde invisible, il lui est moins utile de peindre que de suggérer. La signification des mots, ici, ne suffit plus. Il faut utiliser leur son, leur forme, leur couleur, pour créer une atmosphère favorable à l’impression que l’on veut produire. Ainsi l’on violente l’âme, plus sûrement, en y accédant par le chemin des sens à la façon de la musique ou d’un parfum. Le poète est amené, par suite, à rechercher la Perfection. La perfection que rêvait Gautier était celle d’un habile ciseleur de mots. Celle que rêve Baudelaire est plus haute. Je lis dans ses notes : « De la langue et de l’écriture prises comme opérations magiques, sorcellerie évocatoire. » Pour lui, le vers