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Page:Raynaud - Baudelaire et la Religion du dandysme, 1918.djvu/49

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ET LA RELIGION DU DANDYSME

est comme une formule d’incantation qui obéit à des lois mystérieuses, mais inflexibles, que le poète doit retrouver d’instinct, par un privilège spécial de sa nature. Rien ne doit être abandonné au caprice ou au hasard. Une faute d’inattention, un accent omis, une virgule déplacée suffit pour faire avorter l’expérience. L’apparition se refuse. Le talisman est sans vertu.

§

Nous voici parvenu au sommet de Baudelaire, à ces régions sublimes où il a su s’élever d’une aile vigoureuse

Par delà le confia des sphères étoilées.

On s’y sent « purifié par l’air supérieur ». Nous voici parvenu au point où le poète apparaît

Tel qu’en lui-même enfin l’Éternité le change.

et où il va rejoindre, dans l’immortalité, le chœur des hommes saints transfigurés par la douleur ; le chœur de ces demi-dieux qu’il a chantés, parce qu’ils éclairent nos ténèbres comme des phares et qu’ils constituent notre orgueil, étant les titres les plus éclatants de la noblesse humaine :

Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule, d’âge en âge,
Et vient mourir au bord de votre éternité.