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Page:Raynaud - Baudelaire et la Religion du dandysme, 1918.djvu/50

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CHARLES BAUDELAIRE

§

J’ai laissé de côté la vie passionnelle de Charles Baudelaire parce qu’elle valait d’être examinée à part, tant elle offre d’aperçus singuliers et de matière à controverses. Ici encore nous nous heurtons aux méfaits de la légende et au conflit des opinions. Tandis que la légende nous laisse supposer un être pervers et dissolu, deux intimes du poète, Rops et Nadar, se portent garants de sa vertu et nous attestent qu’il mourut vierge. À première vue, cette affirmation peut surprendre ; leurs arguments ne manquent pas d’impressionner. Nadar a connu Baudelaire à son retour de l’île Bourbon. Les deux amis se plurent par l’opposé de leurs qualités. Nadar était séduit par l’originalité de Baudelaire. « Celui-là, disait-il, n’est pas tout le monde, » Baudelaire était enthousiasmé par l’exubérance débrouillarde de Nadar. « Nadar, disait-il, est la plus étonnante expression de vitalité. Il doit avoir tous les organes en double. » Ils devinrent vite inséparables. Entre amis de 20 ans il n’est pas de secrets. Nadar nous avertit qu’ils formaient à plusieurs, réunis par leur amour des lettres et des arts, une sorte de phalanstère où tout était en commun : ressources, lectures, ambitions, maîtresses. Ces jeunes gens couraient les lieux de plaisir à la mode, les Folies-Bergère, Valentino, le