Page:Raynaud - Baudelaire et la Religion du dandysme, 1918.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
55
et la religion du dandysme

très bonne ». Il lui adressait, sous le voile de l’anonyme, contrefaisant son écriture, des épîtres enflammées, des vers pleins de ferveur et d’élans mystiques. Cela dura longtemps. Il fallut la publication des Fleurs du Mal où les vers étaient insérés pour que le secret se découvrît. Mme  Sabatier, loin de se fâcher de ces hommages, émue sans doute de leur persistance, se montra disposée à exaucer les vœux du Poète.

On a pu contester la sincérité de Baudelaire, en publiant une correspondance, marquée du même sceau spirituel, adressée à une tierce personne, un modèle quelconque, rencontré dans les ateliers que Baudelaire fréquentait ; mais c’est être peu au courant de sa nature compliquée et des subtilités psychologiques que de vouloir tirer une conclusion de ces faits. Dans ces moments qu’il a notés, où l’on se sent « plus seul, plus abandonné, après une débauche », quand

Dans la brute assoupie un Ange se réveille,

sa pensée cherchait un réconfort, un point d’appui à sa détresse mouvante, le souvenir de Mme  Sabatier lui revenait « plus rose, plus vif et plus charmant ». Les yeux de la belle lui « chantaient le réveil de l’Âme ».

N’en doutons pas, le sentiment qui poussait