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et la religion du dandysme

der que par ruse, en ayant l’air d’y consentir. On feint de la suivre tout en s’enivrant du miel de la parole, de l’ambroisie des discours de cette effrontée larronnesse qui nous pipe à sa glu. On se laisse induire sur la route fleurie, mais on s’arrête en deçà du piège. On feint de s’engager, mais on ajourne l’échéance et, ce faisant, on maintient en soi l’état d’illusion et l’on prolonge l’éblouissement du désir. Ainsi le Moi évite le geste qui le disperse et le vaporise et puise, au contraire, à savourer une joie réelle, pour qui n’en est pas dupe, une force surnaturelle de concentration. Il y a mieux. La conscience qui reste éveillée dans le tumulte des passions et l’émeute contenue des sens, permet à homme de s’analyser et de s’instruire au spectacle d’événements que les autres ne traversent qu’en aveugles. D’acteur inconscient, le sage se hausse à la qualité de témoin lucide.

De même que le chirurgien, cherche dans la dissection du corps humain l’explication du jeu des organes, de même Baudelaire, penché sur nos tares et nos perversions, y cherche le mécanisme de l’Âme et la qualité de notre essence. Obsédé par l’énigme redoutable du monde, il veut en pénétrer les secrets à la lueur de l’instinct.

C’est dans l’acte le plus irréfléchi, le plus spontané, que se saisit la présence et la rotation de la