Aller au contenu

Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paroles. Toute la messe, je les avais attendues ! Je cours, j’arrive au rendez-vous ; là, après une heure d’attente, je vois mon turc qui se dirigeait vers moi sans se presser et, de l’air funèbre d’un curé qui va porter l’extrême onction à un mourant : « Mon enfant, me dit-il, sans me regarder, une autre fois, ayez une mise plus modeste. Vous causez du scandale et vous faites tort à ma messe. Allez. — Eh bien, marmottai-je entre mes dents, si j’avais su, vieille bête… — Que dites-vous, mon enfant ? » me demanda-t-il en se penchant vers moi. Je n’osai lui répondre et je me sauvai toute honteuse. Voilà l’oiseau !

— Crois-tu qu’il en a un ? ajouta Fenice.

Je ne prêtais plus d’attention aux jeunes femmes ; j’avais soulevé le rideau qui nous séparait de la scène, et je me promenais sur le théâtre. Je me trouvais au milieu d’une petite ville de bois, environnée de temples, de maisonnettes et de tours. Devant moi, la salle vide s’ouvrait obscure, froide et immense ; et je sentis un frisson en pensant que tout à l’heure elle allait être remplie de regards fixés sur moi, de bouches bienveillantes ou injurieuses. Orsetta et Fenice m’avaient suivie ; toujours insouciantes, elles s’amusaient à jouer à cache-cache dans les temples et à faire retentir le théâtre de leurs cris.

— Oh ! dis-je tout à coup, il y a un homme qui nous regarde.

— Où ? demandèrent-elles en interrompant leur jeu.

Je leur montrai une tête qu’éclairaient les dernières lueurs du jour et qui nous considérait en ricanant.

Nous allâmes toutes trois, en nous donnant le bras, au-devant de l’importun, ayant sur les lèvres de grosses sottises pour lui reprocher son indiscrétion ; mais, arrivées près du gêneur, nous éclatâmes à sa face.