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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/199

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C’était la statue du dieu Pan et nous nous moquâmes de son rire éternel.

— Mesdemoiselles ! venez vite vous habiller, nous cria la costumière. Le seigneur Vivaio vous demande. Le monde accourt !

Les compagnons de la Calza, qui devaient jouer avec nous, étaient arrivés. Cette fois, ce fut au tour d’Orsetta et de Fenice de se sentir timides et troublées. Elles ne savaient que répondre aux compliments des jeunes acteurs. Je n’en fus pas surprise. Ces pauvres filles n’avaient fréquenté que des mariniers, et l’aisance familière de ces jeunes gens les couvrait de confusion.

On m’avait apporté la robe d’Alcmène ; quand je levai les bras pour la passer, je cambrai un peu les reins et je vis tous les regards des hommes s’attacher sur moi. J’eus un bref sourire.

Fenice disait à voix basse à Orsetta :

— Moi, je la croyais mieux faite. Vois comme ses jambes sont maigres.

Je lui lançai un coup d’œil qui sans doute l’ensorcela, car elle n’osa plus ouvrir la bouche.

Vivaio récitait un rosaire en mon honneur.

— Nichina, vous devriez paraître nue sur la scène : vous êtes la seule femme qui n’ayez rien à cacher de votre beauté.

— Oh ! pourquoi vous moquez-vous de moi, seigneur, lui répondis-je, mais je souffris qu’il s’agenouillât à mes pieds et parcourût mon corps de ses lèvres tandis que l’âme molle, emplie d’une ivresse tranquille, je m’abandonnais aux caresses des mains et des paroles, qui flattaient mon esprit tout en laissant ma chair inattentive.

Cependant nous entendîmes une rumeur énorme s’élever du théâtre, faite du piétinement, des voix des rires de toute une multitude impatiente.