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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/200

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— Allons, du courage ! me dit Vivaio en me baisant les lèvres ; je le repoussai et m’élançai comme une folle sur la scène.

D’abord, je ne vis rien ; mes jambes se dérobaient ; mes yeux s’ouvraient à une lumière vague et confuse ; je voulus parler : les mots s’arrêtaient dans ma gorge. Mais j’aperçus tout à coup mon compagnon qui paraissait désolé de mon émotion. Ce muet reproche me donna une volonté. Je voulus me montrer digne de moi-même. Comme par miracle, je retrouvai une voix forte et vibrante, je ne me rappelai pas la pièce : je la revécus. Cette pantomime de mensonge, que je trouvais souvent si pénible lorsqu’elle m’était imposée par l’existence, me semblait délicieuse à présent que je n’avais plus, pour me contraindre à la jouer, le besoin de quelques pièces d’or. Il me plaisait de figurer la passion sur cette couche où je n’allais m’étendre que par jeu. Je fus Alcmène. Avec quelle câlinerie, quelle impudeur de gestes et de paroles j’enlaçai mon volage amant, l’entraînant, le roulant sur ma chair pour le gronder ensuite avec une feinte jalousie. Tour à tour boudeuse, suppliante, lascive, je n’oubliai aucune des caresses, aucune des mines qui attendrissent les hommes.

À peine m’as-tu réchauffé mon lit et accolée une fois, tu t’en vas.
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Ah ! comme ton départ va me faire pleurer.

Je ne songeais plus à l’héroïne que je devais représenter, aux conseils de Michele, aux recommandations de Vivaio, mais conservant sur la scène mon visage de tous les jours, je forçais la comédie du poète à n’être plus qu’une servante pour rehausser ma vie, ma passion et ma beauté.