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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


tous l’Évangile, leur prêche la révolte contre leurs maîtres.

Ce fut un cri d’indignation.

— Mais c’est un maître lui aussi ! Qu’aurait-il à gagner à une révolte ?

— Peut-être, continua le docteur, son orgueil se flatte-il de l’apaiser et de la dominer. Peut-être n’écoute-t-il que sa haine de pauvre contre votre luxe, son animosité hautaine contre vos plaisirs !

— Et que peut avoir de commun Samuel Goring avec Joseph Figeroux ?

— Ce sont deux amis, et ce qui suffirait à les rendre suspects, deux amis secrets. Ma profession exige que je sorte souvent la nuit. Samuel Goring a une chambre dans une maison qui se trouve tout près de la mienne. Combien de fois Figeroux s’est attardé à causer devant la porte du prédicateur évangélique !… Sitôt qu’ils m’entendaient sortir, ils rentraient dans l’habitation, mais j’avais eu le temps de les voir.

— Figeroux, dis-je, est pourtant d’une sévérité cruelle ; souvent j’ai dû intervenir pour l’empêcher d’appliquer avec tant de rigueur les châtiments. Il me répondait que je n’avais pas assez l’habitude de commander à des noirs pour connaître les moyens de les dompter et de les forcer au travail : « Si je ne puis à mon gré diriger la plantation, ajoutait-il, je préfère qu’un autre que moi en prenne le soin. » Sont-ce des paroles d’un homme qui prépare une révolution ?

— Le misérable est adroit et cache bien son jeu. Mais croyez que s’il est cruel pour les noirs, ce qui